Il advint à une époque, où l’humanité se trouvait une fois de plus en guerre catastrophique, qu’une fleur s’épanouît sur les champs de bataille. Son calice était d’une beauté féerique et brillait des couleurs du coucher du soleil, du bleu-lila jusqu’au rouge rayonnant. Ses pétales étaient encore plus jolis que la plus fine œuvre en filigrane.
Le message se propagea bien vite autour du globe terrestre, et une foule se mit en route pour chercher la fleur. Mais surtout les faiseurs d’affaires. Le regard concupiscent ils traversèrent le paysage flairant grands profits en vendant et reproduisant cette fleur. Mais ils ne devaient connaître que déception. Entre leurs mains la jolie fleur se changea de façon terrifiante. C’était épouvantable pour des profiteurs avides d’avoir entre les mains des os pâles au lieu de fleurs.
Des botanistes essayèrent de transplanter la fleur. Mais malgré toute leur prudence, la fleur se désagrégea en décombres et cendres, à peine enlevée de terre.
Les plus célèbres peintres essayèrent leur art auprès de la fleur. Ils firent des voyages de milliers de kilomètres pour trouver la fleur. Ils produisirent des tableaux merveilleux d’une ressemblance frappante avec les couleurs du coucher du soleil. Mais arrivés dans leurs ateliers, voulant présenter leurs chef-d’œuvres au public, on ne vit sur les toiles que des maisons détruites, des enfants morts de faim et des soldats abattus.
Personne ne pouvait expliquer le secret de cette fleur. Elle poussait quelle que soit la saison par froid vif et sous le soleil brûlant. Cependant on ne la trouvait pas dans les jardins luxuriants des riches ou au bord des allées somptueuses des stations balnéaires ... Par contre, elle déployait sa beauté sur les lieux les plus désolés, sur les champs de bataille au milieu des ruines causés par les meurtres insensés.
Et la fleur sans nom propagea comme une magie. Ceux qui entendirent cette nouvelle, se mirent en route. Une grande foule de milliers de personnes traversa, à la recherche de la fleur, les paysages dévastés, les villages et les villes brûlés. Ce qu’ils ne connaissaient que par la télévision et la radio jusqu’à maintenant, ils pouvaient le regarder de leurs yeux propres : Voilà, c’étaient les témoignages des expéditions de batailles glorieuses.
Beaucoup de chercheurs avaient appris à connaître ces temps de la terreur à leurs propres dépens, mais ils avaient préféré oublier. Bien sûr ils auraient eu vite fait d’oublier la vision de terreur qui s’offrait à eux en cherchant la fleur enveloppée de mystère. Mais ils regardaient la fleur sans nom, incarnation de la beauté, entourée de ce que la violence et la rapacité, la stupidité et la haine avaient produit.
Chaque fibre de la fleur merveilleuse lançait un cri aux humains, résonnait à leurs oreilles et agitait leurs pensées : « Regardez ce que vous avez provoqué, parce que vous ne l’avez pas empêché. »
Inextinguible ces mots s’enfoncèrent telles des flammes dans les cœurs et les cerveaux des humains. Il n’y avait personne qui ne rentrât chez lui le cœur non bouleversé.
Mais ce n’était pas la fascination de la fleur, c’était la culpabilité des savants, qu’ils partageaient avec ceux qui étaient restés chez eux.
Et il vint l’heure où les mots « ... et paix sur la terre » n’étaient plus une vaine illusion. La peur l’un devant l’autre succédait à la compréhension l’un pour l’autre, parce qu’ils avaient compris que la paix et la liberté ne pouvaient être conservées qu’ensemble.
Französisch von Gerlinde Baumgart