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la voir. Parce qu’il n’y a plus de feuilles aux arbres, et noire Thora se détache sur le ciel.
« Thora », appellé-je doucement, « Thora, es-tu éveillée ? ». J'ai peur de la déranger dans son sommeil. Mais voilà que je vois que ses yeux sont ouverts. Le jour, ils sont jaunes, mais la nuit ils sont noirs, plus noirs que le reste de son corps.
« Oliver », murmure-t-elle, « tu es encore debout ? »
« Thora », dis-je, « tu es très intelligente. Tu dois m’aider. Pourquoi les feuilles tombent-elles ? Les arbres gèlent, il fait froid. »
« Pourquoi ne demandes-tu pas aux arbres ? »
« Les arbres ne parlent pas avec n'importe qui. Ne peux-tu pas m'aider ? »
« Va demander les arbres. Tu es leur ami. Bien sur ils te le diront. »
Je suis très fatigué cette nuit-là. Je pense à ce que Thora m'a dit. Les arbres se dressent tranquilles et silencieux. Oui mais j'aimerais bien être leur ami, je voudrais les aider. Mais comment ? Sous une grosse racine, je finis par m'endormir. Mais le lendemain matin un froid glacial me réveille. Et comme j'ai ouvert les yeux, voilà que je les ferme aussitôt. Je pense que je suis aveugle ! Mais tout n'est pas noir. Non, tout est blanc ! Seuls les arbres sont là comme des traits noirs. Et du ciel ne tombent que des plumes blanches, tout doucement et sans bruit. Là me revient en mémoire ce que la lune m'a dit : « Bientôt, tout est blanc. Le grand sommeil. » Mais je suis éveillé. Je gèle et j’ai faim, suis-je tout seul ? Dorment-ils tous ? Félix et Pix et Thora et les arbres ?
Ca craque derrière moi ! Surpris je me lève brusquement et tombe en plein dans les plumes blanches. Sur mon nez, elle deviennent de l’eau , rien que de petites gouttes , qui chatouillent. Quel monde est-ce ? Je ne saisis plus rien.
Ça craque à nouveau !
Je fonce sous ma racine d’arbre , je me fige et attends ce qui va se passer. Et voilà qui se tient là une longue et brune jambe devant le creux de ma racine. Et puis encore une. Je regarde avec précaution vers le haut, là Piet me regarde vers le bas ! Piet est un jeune chevreuil. Et en été je ne l’aimais pas du tout. Lorsqu’il bondissait avec ses longues et minces pattes dans la prairie aux alentours de la forêt, il m’était inquiétant, et je ressentais le danger auprès de lui. Mais maintenant je préférerais lui sauter au cou. Un être vivant dans ce monde blanc et glacé !
« Hello, Piet », je me réjouis, « d'où viens-tu ? »
« Hé, Oliver, tu parais si effrayé. Qu’as-tu donc ? »
« Toi, Piet, dis voir, qu'est ce qu'est cela ? Les plumes blanches tombent du ciel, tout est blanc et froid. Sommes-nous seuls sur terre ? »
« Aucune idée », dit Piet. « Je trouve cela amusant, viens, courons ! Et ensuite tu auras chaud... »
Oui, et nous courons à travers les plumes, moi toujours derrière Piet. Et parfois j’y suis plongé jusqu’aux oreilles, et Piet est enveloppé dans un nuage de poussière blanche. Et s’il s’arrête, je vois que sort aussi de sa gueule un air blanc. Tout est très particulier et incompréhensible, et je suis très content d’avoir rencontré Piet. La nuit, nous dormons ensemble, et durant le jour Piet trouve toujours des endroits où il y a à manger. Lentement, je m’habitue à ce monde changé. Tout en dessous des plumes blanches il y a les feuilles. Piet les retourne parfois lorsqu’il gratte des jambes pour la nourriture. Mais il ne sait pas non plus pourquoi elles ne sont plus sur les arbres.
Et un matin le blanc a de nouveau disparu. Comme si un magicien avait touché le paysage de son bâton. Comme au début sur mon nez, ainsi les plumes blanches sont à présent devenues partout de l’eau. Mais autrement rien n’a changé. Les feuilles sur le sol sont brunes et noires et mouillées. Aux branches dénudées des arbres, sont suspendues des gouttes d’eau argentées étincelantes, et lorsque Piet les touche en courant, elles tombent en pluie. Et pourtant oui, quelque chose a changé. Il fait plus chaud et le vent souffle et ça démange et tout est agité, plein d’attente Piet est aussi parti. A grands sauts et il a traversé à la hâte la prairie et a disparu.
Maintenant, je suis à nouveau seul. Mais je n’ai plus peur. Je me réjouis... Mais cependant je ne sais pas pourquoi. Alors je regarde à nouveau les arbres et je deviens triste. Je voudrais leur aider. Mais comment ? Est ce possible ? Peut-il être vrais, que je magicien ait oublié de les toucher de sa baguette, de leur offrir de nouvelles feuilles ? Ce serait effrayant. Qu’est ce que Thora, le hibou avait dit ? « Demande aux arbres, Oliver. »
Bon, Thora pense-je, je leur demanderai. Et si je peux les aider, ils me le diront. Plein d’espoir, mon regard passe de l’un et l’autre. Il y en tellement, auquel dois-je demander ? Comment parle t-on à un arbre ? Comment répond-t-il ? Et ainsi je traverse en courant la forêt et les regarde, ces arbres. Je voudrais tant me réjouir, mais je ne le peux pas, lorsque les arbres sont tristes. Quand l’obscurité apparaît, je reste assis exténué. Je suis fatigué, d’avoir tant couru et de l’air inhabituelle ment chaud. Un doux vent du soir traverse d’une caresse branches et brindilles. Il ne mugit pas comme jadis, quand il y avait encore des feuilles aux branches, il fredonne.
Et alors j’ai l’impression d’entendre mon nom.
« Oliver réveille toi, Oliver… »
Et comme je lève le regard, il ne semble que les arbres se courbent vers moi.
« Oliver, petit lapin, ne sois pas triste. Rien ne passe, c’est comme le jour et la nuit. Seulement, nos jours et nuits sont plus longs, beaucoup plus longs que les tiens. Nous avons respiré une longue journée avec nos feuilles. Puis la nuit est venue. Nous avons dormi, les feuilles étaient vieilles et usées. Mais à nos pieds, elles nous donnent la force pour un nouveau matin, pour de nouvelles feuilles pour un long jour. Tu es jeune Oliver, tu verras, tu comprendras. C’est comme aller et venir dans l’éternité du temps – regarde, Oliver, regarde… »
Et puis il y a de nouveau ce bourdonnement. Le lendemain matin je me réveille et je suis persuadé d’avoir rêvé. Comme le soir, avant les arbres sont là. Un nouveau matin, pense-je, un nouveau matin ?
Et alors là je la vois ! Devant mon nez, une toute petite feuille nouvelle. Et pas seulement là ! D’un coup, elles sont là partout. Il plane un délicat souffle vert entre les arbres et buissons. Je n’oublierai jamais ce jour. Tu sais, j’ai sauté d’un arbre à l’autre, je l’ai saisi et j’ai seulement toujours dit : « Bonjour-bonjour ! »
« Oliver », dit Swantje toujours, « crois-tu que les arbres t’ont compris ? »
« Absolument sûr » dit Oliver en inclinant la tête. « Tu sais, les arbres ne parlent pas à tout le monde. Mais ceux qu’ils aiment, ils les écoutent. »
Dieter J Baumgart
Traduit en français par Bernard Pauthier