L’histoire des deux poubelles

Bild von Dieter J Baumgart
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Il était une fois une poubelle émaillée à ordures ménagères qui était encore en service au 19ème siècle. Quand on n’en avait plus l’usage, elle atterrissait dans une décharge sauvage dans la nature où elle sombrait bien vite dans l’oubli.
Plus d’une centaine d’années passèrent jusqu’à ce que la pluie finisse peu à peu à faire émerger la poubelle du sable du Cirque de Mourèze.
Un jour, accompagnée de goulots, de semelles de chaussures et de boîtes en fer-blanc ainsi que d autres ordures ménagères amassées dans un petit village, cette poubelle se retrouva au bord d’un petit chemin où un conteur d’histoires installait ses réflexions poétiques.
Il fut pas mal étonné de trouver de telles choses dans la forêt. Mais alors il lui vint une idée qu’il mit aussitôt à exécution.
Il recouvrit la triste poubelle d’un sac plastique, la laissa à l’endroit ou il l’avait trouvée et attendit plein de curiosité de savoir ce qui se passerait. Et il se passa une chose d’extraordinaire. La poubelle qui une fois encore avait recouvré un sens fut remplie de déchets par les lecteurs et lectrices qui s’intéressaient aux textes du conteur d’histoires. Dès cet instant on ne trouvait plus jamais de morceaux de papier, de capsules, de boîtes de cigarettes sur le petit chemin. Même les restes des ordures que la pluie continuait à mettre au jour atterrissaient dans la poubelle qui en était bien contente. Enfin une poubelle comme celle-ci n’est-elle pas aussi juste humaine, n’est-ce pas ?
Et c’est ainsi que dans l’exercice de son nouveau métier, elle avançait en âge. Les trous de rouilles devenaient de plus en plus grands. Et finalement, elle prit sa retraite bien méritée. Mais non, pas dans la déchetterie communale entre-temps installée. L’imagination du conteur d’histoires l’en préserva.
Après une courte période d’élaboration son successeur a exécuté sa mission. De quelques planches et branches le poète, qui dispose de compétences artisanales, a bricolé ce que l’on appelle une poubelle design. Elle est là bien fermement ancrée au lieu, impossible de ne pas la voir, afin que les visiteurs du petit chemin de la poésie sachent où se débarrasser de leurs ordures.

Postface

« Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »,
demande Alphonse de Lamartine dans son poème « Milly ou la terre natal (I) ».

« Oui », je dis, en tant que l’auteur de cette histoire,
et je fais passer la question à mes lecteurs et lectrices…